Café de l'union
Vidéo sur moniteur, 4 minutes


Une personne qui se souvient est une personne qui fait des trajets, y compris dans sa mémoire, trajets de pensée, distance et circulation des images.

Nasser, que l’on voit dans cette vidéo, arpente le pourtour d’un terrain vague laissé après la disparition de son café, et porte avec lui une pancarte où est inscrite son enseigne déchue : "Café de l’Union". Il marche, non pas vers un but, mais comme le ferait un archéologue pour cartographier un site dont il est seul à connaître le secret. Ou encore, comme pour questionner un enclos rituel dont on chercherait à raviver le culte antique. Le montage entre une description sonore des éléments du café, qui se recompose mot à mot, et la déambulation à travers ce terrain désormais désert, génère une résonance entre la voix et le corps, entre le parcours topologique et le parcours mental. D’ailleurs, s’il est un lieu qui évoque l’accumulation de récits ou de souvenirs, c’est bien le café de quartier. Toutes les histoires se rencontrent et se racontent au bar qui est en soi un lieu de prise de parole et de témoignage.

De l’action concrète réalisée en retraçant le périmètre du café, c’est un anti-monument éphémère qui émerge. En effet, la mémoire ne se bâtit pas nécessairement sur l’érection d’un monument ni d’une masse en commémoration. Elle peut le faire plutôt à partir des lacunes architecturales et des non-lieux de l’histoire. La présence humaine, comme le langage, réactivent un espace à partir du vide qui est laissé.


Texte écrit par Morad Montazami, historien et critique d'art